16 février, 2009

Coûts externes

Nous avons passé en revue les deux principaux types de coûts environnementaux (coûts internes et coûts d'opportunité) dont il paraît presque évident que leur insertion dans le système de comptabilité de management est nécessaire à une information pertinente sur les bénéfices futurs de l'entreprise. En effet, ces deux types de coûts ont un impact direct sur le résultat des entreprises, l'un (coûts internes) par les coûts/charges, et l'autre (coûts d'opportunité) par le manque de bénéfice/produit.

Cependant, il existe un troisième type de coût environnemental : les coûts externes, encore appelés societal costs ou externalités. Les externalités sont des coûts environnementaux pour lesquels l'entreprise n'est pas tenue pour (légalement) responsable (US EPA), c'est à dire que ce sont des coûts subis par la société dans son ensemble et non par l'entreprise. Or, ces coûts sont liés à des impacts négatifs de l'activité de l'entreprise sur l'environnement. Pour plus de clarté, prenons quelques exemples :

– une usine rejette des gaz toxiques dans l'atmosphère : le coût direct de rejet est nul pour l'entreprise, aucune loi ne lui imposera une amende mais l'environnement est négativement touché : il y a un coût (peut être uniquement à long terme) pour l'ensemble de la société.

– les avions polluent l'air de part leur passage, tel que nos collègues le constate, l'effet sur l'environnement n'est pas actuellement pris en compte. Ainsi, les transporteurs aériens ne subissent aucun impact sur leur bénéfice, il ne s'agit pas non plus d'un manque à gagner, mais il y a bel et bien un coût pour la société lié à cette pollution aérienne. Ce coût est subi par la société dans son ensemble, c'est donc un coût externe.

De la même manière tous les effets négatifs sur l'environnement (eau, air, terre) d'activités industrielles ou commerciales qui ne font pas l'objet d'une régulation/loi sont des coûts externes.

Que des coûts ?

Outre la réponse à l’attente des groupes de pression ou la volonté de responsabilité environnementale des entreprises qui améliorent l’image de l’entreprise, la prise en compte des aspects environnementaux dans le système de comptabilité de management des organisations représente un bénéfice potentiel. En effet, si on considère trop souvent que « l’environnement coûte cher », il y a aussi des bénéfices à tirer des considérations environnementales.

Les principaux types de bénéfices environnementaux sont classés sous l’appellation des 4Rs : Reduce, Reuse, Recycle et Re-gift. Il est en effet possible de réduire les coûts par exemple en utilisant du matériel consommant moins de produits chimiques. La réutilisation et le recyclage peuvent quant à eux apporter des revenus supplémentaires à une entreprise et ainsi augmenter son bénéfice. Le gain lié aux dons (re-gift) est plus indirect car il découle de l’amélioration de l’image de l’entreprise par ce type d’action.

Coûts d'opportunité

Les entreprises consomment des ressources pour produire leurs activités et leurs produits ou services. Ces ressources ne sont pas toujours allouées de façon efficiente engendrant des coûts d’opportunité.

Les coûts d’opportunité (ou coût d'option) peuvent se définir brièvement en économie comme le coût d'une chose estimé en terme d'opportunités non-réalisées. Plus trivialement, c'est la mesure des bénéfices auxquels on renonce en affectant les ressources disponibles à un autre usage. Appliqués à la comptabilité environnementale, il s’agit des possibilités non exploitées offertes par la réutilisation, la réduction, ou le recyclage des matériaux.

La surconsommation de matière ou de ressources entraîne une perte, un manque à gagner pour l’organisation et va à l’encontre du développement durable. En effet, l’allocation non optimale des ressources nécessite une sortie de trésorerie supplémentaire non efficiente qui aurait pu être investie ailleurs pour améliorer la profitabilité ou l’image de l’entreprise.

Coûts internes

Si il y a débat sur la nécessité d'intégrer les coûts externes au système de comptabilité de management, il n'y a aucune ambiguïté aujourd'hui sur l'importance de l'intégration des coûts environnementaux dits internes (ou encore internal costs, private costs).

Par coûts internes, on entend les coûts environnementaux pour lesquels l'entreprise est directement et légalement tenue pour responsable, selon la définition de l'US Environmental Protection Agency (US EPA). Ainsi, le bénéfice de l'entreprise est directement affecté par ces coûts. Toujours d'après la définition de l'US EPA, il existe plusieurs catégories de coûts au sein des coûts environnementaux dits internes : des coûts potentiellement cachés, des coûts futurs probables (contingent) dépendant de la réalisation d'un évènement et des coûts, moins tangibles, relatifs à l'impact des intéractions de l'entreprise avec l'environnement sur l'image et donc les relations professionnelles de cette entreprise.

Comme illustré ci-dessous dans un tableau de l'US EPA, les coûts « potentiellement cachés » peuvent encore être compartimentés en plusieurs catégories. Ainsi les Regulatory costs sont des coûts liés à la mise en conformité avec les lois et règlements environnementaux par oppositions aux voluntary costs (beyond compliance costs) que l'entreprise choisit de subir. L'autre classification se fait par rapport au stade du cycle de vie du produit; ainsi, les upfront costs sont subits avant la mise en production du produit (e.g. R&D), les coûts opérationnels au cours du processus de production, et les back-end costs ou coûts de sortie sont les coûts liés à l'élimination, le nettoyage, le recyclage ou la réutilisation des produits après leur vie utile.


Nous rejoignons l'US EPA pour souligner la nécessité d'intégrer tous ces coûts dans le système de comptabilité de management des entreprises, sans quoi, toute prise de décisions sera basée sur des données non pertinentes car ne tenant pas compte de tous les coûts affectant le bénéfice de l'entreprise !

Classification des côuts environnementaux

Afin de profiter un maximum du potentiel de réduction de coûts ou d'augmentation des bénéfices environnementaux permis par la comptabilité de management environnementale, les gestionnaires doivent prendre en compte de nombreux types de coûts liés à l'environnement. Ces coûts sont très larges, ils ne se limitent pas aux coûts de matériaux environnementaux ou autre coûts « conventionnels » de la même sorte (structure, fournitures, équipement, travail...). De très nombreuses définitions des coûts environnementaux coexistent et un des problèmes majeurs est visiblement de définir le concept de « coût environnemental » avant même de le traiter. Ainsi, de nombreux auteurs ont tentés de regrouper ces différents coûts en plusieurs catégories. La classification qui nous est apparue comme la plus intéressante (même si générale) est la distinction entre : coûts internes, coûts d'opportunité et coûts externes. Voici les définitions de ces trois types de coûts que nous utiliserons par la suite :

coûts d'opportunité (opportunity cost). Il s'agit des bénéfices manqués de part une surconsommation d'énergie ou un taux de déchets trop élevés à traiter par exemples (Bennett et James, 1996a).

coûts internes (internal costs, private costs), ce sont les coûts environnementaux pour lesquels l'entreprise est directement tenue pour responsable, (US Environmental Protection Agency). Ces coûts sont généralement admis comme étant « à inclure » dans le système de coût d'une entreprise voire à divulguer.

coûts externes (external costs, societal costs), ce sont « ceux pour lesquels une compagnie, à un moment précis, est non responsable dans le sens que ni les marchés, ni les régulations ne les assignent à la firme », (Curvan 1995), ces coûts sont donc supportés par la société. Nous souhaitons nous étendre sur ces coûts dans la mesure où il y a toujours débat aujourd'hui sur la nécessité pour les entreprises de les prendre en compte.

La différence entre ces deux derniers types de coûts est représentée comme suit par l'US Environmental Protection Agency:

Bienvenu(e) au pays de l’écomanagementlogie !

Les préoccupations environnementales dans l’opinion publique sont encore relativement récentes. De nombreux grenelles au niveau national et international, comme le Protocole de Kyoto sont organisés afin de définir des objectifs à atteindre pour préserver et valoriser notre patrimoine environnemental. Il est aujourd’hui généralement reconnu que l’impact des activités des entreprises mais aussi de chaque citoyen que nous sommes sur l’environnement n’est pas soutenable à long terme, ou, en tout cas, ne pourra pas être soutenu par tous après l’avancement du développement de pays tels que la Chine et l’Inde. En effet, la planète comporte des ressources limitées ne pouvant pas assurer les quantités électriques, chimiques et organiques pour permettre à 6 milliards de personnes de consommer autant que nous, citoyens (dont dirigeants d’entreprises…) de pays développés, faisons actuellement.

Il y a ainsi des motivations de plus en plus fortes, qu'elles soient légales, d’image ou de responsabilité citoyenne, pour introduire l’aspect environnemental et plus généralement le développement durable dans la gestion des entreprises. Cette prise en considération, tant sur le plan stratégique qu’opérationnel, incite à l’innovation managériale et à l’innovation comptable. En effet, les décisions prises par les entreprises doivent, pour répondre aux préoccupations actuelles, prendre en compte les impacts de leurs activités sur l’environnement. Or, les prises de décisions reposent sur l’information fournie par la comptabilité de management. Nous croyons donc qu’il ne peut et pourra pas y avoir d’intégration des effets des interactions environnementales des entreprises sans une intégration des coûts et des bénéfices environnementaux au sein du système de comptabilité de management.


Plusieurs chercheurs, comme Diependaal et de Walle en 1994 ou encore Ditz, Ranganathan et Banks en 1995, se sont intéressés à ces coûts environnementaux et ont déterminé que les coûts de gestion de la pollution et des déchets pourraient représenter entre 2% et 20% du total des coûts opérationnels des entreprises. Ce différentiel s’expliquerait en partie par le manque de définitions consensuelles sur la nature des données environnementales à prendre en compte dans la comptabilité, i.e. sur la définition exacte de ce qu’est un coût ou un bénéfice environnemental.

Nous pouvons alors nous demander quels sont les coûts à intégrer à la comptabilité et plus particulièrement nous posons ici la question de savoir si il est nécessaire ou souhaitable de prendre en compte les coûts dits externes à des fins de gestion. Pour cela, nous devons d’abord commencer par définir ce qu’est un coût externe, par opposition aux autres types de coûts environnementaux, généralement déjà reconnus comme nécessaires à un calcul des coûts pertinents pour les entreprises.

Ainsi, nous vous invitons à découvrir le monde de l’ « écomanagementlogie » au travers de l’analyse des coûts et des bénéfices potentiels inhérents à l’intégration des données environnementales.
Bon voyage au pays de l’écomanagementlogie !