16 septembre, 2009

Typologie des méthodes

Nous avons passé en revue les trois différents groupes de méthodes d’évaluation monétaire des externalités : le coût de contrôle, de restauration ou le coût du dommage lui-même. Cette classification est celle de l’IFAC (2005), mais nous pouvons noter plusieurs différences avec celle employée par certains auteurs.
Ainsi, un point typologique important est à noter concernant le Willingness-To-Pay. En effet, ce nom de méthode est utilisé dans deux cadres différents : 1) pour l’évaluation contingente, i.e. préférence exprimée et 2) pour les méthodes de prix de marché et de prix hédonique, i.e. préférence observée (sur un marché). Cette dernière utilisation s’explique par le fait que le consentement à payer est habituellement (en économie) révélé par les prix : plus le prix d’un bien est élevé, plus il signifie (en partie) que les personnes sont prêtes à payer cher pour. Ainsi, certains auteurs ou organismes tels Harscouët (2007), ou l'OCDE, utilisent le terme de WTP dans le cadre de méthodes d’évaluation des externalités à caractère économique, i.e. pour les méthodes de prix de marché, de prix hédonique et de coût de voyage.
Il en découle un problème plus général de classification des différentes méthodes. En effet, dès lors, Harscouët (2007), Khalifa (2002) et Bougherara (2004) font la classification suivante :

Figure : Classification des méthodes d'évaluation des coûts externes (cliquer dessus pour voir un agrandissement)

Source : Harscouët, 2007, adapté de Khalifa (2002) et Bougherara (2004)

Et, de même, Antheaume (2004) ne classe pas l’évaluation conditionnelle au sein des méthodes mesurant le coût du dommage, mais en fait aussi une catégorie à part. Jasch et Stasiškienė (2005), l’IFAC (2005), conseillent d’utiliser la méthode du coût de contrôle (ou de restauration selon l’IFAC 2005) plutôt que celle de l’évaluation contingente, car elles sont moins controversées.
En effet, les méthodes de coûts de contrôle ou de restauration sont basées sur des coûts que l’entreprise pourrait, voire devrait, réellement subir et donc moins de variables. De plus, le WTP et le WTA sont considérées très difficiles à appliquer par les entreprises du fait de la complexité des sondages à réaliser et des biais à éviter. Or, généralement, plus une méthode est complexe, moins son résultat est accepté.
Néanmoins, Harscouët (2007) et Grosclaude et Soguel (1994) considèrent que, malgré sa complexité, la méthode de l’évaluation contingente est à privilégier, car elle reflète les préférences individuelles. Par ailleurs, Grosclaude et Soguel (1994) remarquent que c’est la seule méthode possible quand il est impossible d’observer les préférences des personnes sur un marché et que l’on veut considérer le coût du dommage à l’environnement. Or, les méthodes du coût de contrôle et de restauration sont des méthodes, parce qu’elles prennent les coûts hypothétiques réels, qui échouent à mesurer le coût des impacts environnementaux. Or, comme Herborn (2005) a pu aussi le remarquer, une des volontés principales des entreprises se lançant dans l’évaluation monétaire des externalités est de refléter l’importance de l’environnement en lui-même, e.g. de la biodiversité. Ainsi, malgré l’utilisation de l’évaluation contingente, les gestionnaires et actionnaires sont gênés de réduire l’environnement à une valeur monétaire, car l’environnement représente plus que de l’argent.
Dès lors, si l’évaluation contingente, considérant cependant les valeurs que les personnes attribuent à l’environnement, est remise en question pour sa réduction à des termes monétaires, alors dans ce cas, l’utilisation des méthodes de coût de contrôle et de restauration ne paraît pas envisageable.
En effet, il existe un écart significatif entre ces dernières méthodes et les méthodes de coûts du dommage (dont l’évaluation conditionnelle est la plus connue). D’après l’étude de cas réalisée par Antheaume (2004) cet écart ferait varier les coûts externes par un facteur de 1 à 12000 en fonction de la méthode d’évaluation choisie et des impacts pris en compte. De plus, cet écart peut être considéré comme une subvention de la société aux entreprises, car il représente le montant de dommage que la société permet aux entreprises de créer sans qu’ils aient à les supporter un jour.
Quelle que soit la méthode choisie, n’oublions pas que l’évaluation des coûts externes est donc démontrée faisable, à plus ou moins grande échelle.

28 juillet, 2009

Coût du dommage - Évaluaton contingente (3)

Toutes les approches de la méthode d’évaluation contingente ci-dessous mentionnées cherchent à répondre à un des principaux problèmes de la méthode d’évaluation contingente, i.e. arriver à faire exprimer leur préférence par les personnes. En effet, l’habileté même des personnes à donner des réponses précises, pertinentes et honnêtes à ce type de sondage a été questionnée, et, malgré plusieurs études indiquant un certain degré de validité des réponses, tout sondage induit des biais comportementaux.
Le principal biais, selon Zhongmin et al. (2006) est le biais du « yea », c'est-à-dire la tendance des répondants à dire oui quand on leur pose une question. Ce biais serait particulièrement présent lorsque les répondants n’ont pas l’habitude de se voir demander leur avis (sur les politiques, etc.), et/ou que le gouvernement donne généralement le standard socialement acceptable (tous domaines confondus). Ainsi, par exemple, dans son étude de cas cherchant à obtenir le WTP pour restaurer le site d’Ejina en Chine,Zhongmin et al. (2006) ont dû utiliser plusieurs méthodes afin d’essayer de révéler les vrais WTP des personnes. À la suite de cette étude, les auteurs concluent que l’approche de la carte de paiement est celle limitant un maximum le biais de « yea ». Grosclaude et Soguel (1994) considèrent quant à eux que le principal biais, de non-réponse ou de réponse faussée, est lié au manque d’informations possédées par le répondant pour lui permettre de faire un choix cohérent par lui-même. Ainsi, ils préconisent, comme Zhongmin et al. (2006), de consacrer une partie du questionnaire à la mise en contexte et explication de la situation environnementale et de ses implications. Finalement, les personnes seraient généralement parfaitement capables de répondre à ce type de sondage (Grosclaude et Soguel 1994) même alors qu’il s’agit d’un marché hypothétique pour des modifications incrémentales de biens publics tels que liés à l’environnement. Cependant, certaines personnes se montrent indifférentes envers les sondages d’évaluation conditionnelle et elles sont de plus en plus nombreuses lorsque les effets de l’environnement semblent éloignés et globaux d’après le principe de Not In My Back Yard. Ainsi, Grosclaude et Soguel (1994) recommandent de ne prendre en compte que les réponses des personnes réceptives (y compris si leur WTP/A est nulle) et selon un échantillon représentatif de la population locale.
Ces problèmes sont typiques de ce type de méthodes, reposants sur un sondage et donc dépendants du comportement des personnes interrogées voire des personnes interrogeant. Ainsi, certains auteurs en viennent à penser que la mesure issue de l’évaluation conditionnelle ne sera acceptée que si elle est proche des valeurs attendues. Or, il semblerait que des écarts importants peuvent être obtenus entre deux sondages de WTP. En effet, l’US EPA (1997) a utilisé 5 sondages d’évaluation conditionnelle pour mesurer la valeur attachée au risque de mourir prématurément à cause de la pollution aérienne. Les résultats ont montré une médiane de 4,8 millions de dollars, mais avec un écart type de 3,2 millions, soit de près de 67%.

Coût du dommage - Évaluaton contingente (2)

Plusieurs façons de mettre en application ces méthodes existent, même si toutes passent par un sondage. En effet, le principe de l’évaluation contingente est de confronter les individus avec un marché hypothétique (contingent) sur lequel des biens environnementaux (e.g. l’apparence de bâtiments historiques) sont achetés et vendus. Les personnes interviewées se voient demander d’indiquer leur préférence pour le bien échangé selon le principe d’enchères. Ainsi, il existe trois moyens de demander leur préférence :
Proposer un montant initial, puis augmenter ou diminuer la valeur proposée en fonction de la réponse (processus itératif) jusqu’à obtenir une acceptation (et/ou un refus) ou en se limitant à deux questions. Cette dernière approche, issue de Herriges et Shogren (1996), est appelée double choix dichotomique limité (double bounded dichotomous choice). Une approche trichotomique existe aussi, ajoutant la possibilité de dire s’ils auraient accepté à un prix plus fort ou faible à l’approche du double choix
Laisser la personne choisir sa propre valeur de départ puis lui proposer des valeurs inférieures jusqu’à ce qu’il refuse la valeur proposée. Cependant, d’après Zhongmin et al. (2006) cette première question ouverte amène souvent une absence de réponse. Ce phénomène s’explique taire de la qualité de leur environnement. D’où un biais de non-réponse des sondages de type WTP de 20 à 30%, à comparer aux 5 à 7% des sondages classiques.
Considérer le répondant comme un price taker, i.e. ne lui faire qu’une seule offre de prix qu’il accepte si son WTP (ou WTA) est plus faible ou égal, et refuse s’il est plus élevé. Cette approche, développée par Bishop et Heberlein (1979) laisse donc un choix dichotomique. Zhongmin et al. (2006) notent que le prix proposé peut varier selon les répondants.
Une quatrième façon d’amener les personnes à révéler leurs préférences a été développée par Mitchell et Carson (1989) et porte le nom de « carte de paiement ». Celle-ci consiste en la proposition initiale de multiples intervalles de valeurs incluant zéro, l’objectif étant que le répondant puisse entourer la valeur lui correspondant sans être influencé par une valeur de référence particulière.

Coût du dommage - Évaluaton contingente (1)

La méthode de l'évaluation conditionnelle ou contingente (Contingent Valuation Method, (CVM)), popularisée depuis le début des années 1980s, est une technique d'évaluation des externalités, où l'on demande directement à la population concernée, quelle somme ils sont prêts à payer/accepter pour une amélioration ou une dégradation de la qualité de l'environnement. Elle se fonde sur la méthode de la préférence déclarée, exprimée par les personnes concernées (Harscouët, 2007). Ainsi, il existe deux principales méthodes, le Willingness-To-Pay (WTP) lorsque l’on demande le prix que les personnes sont prêtes à payer, et le Willingness-To-Avoid (WTA) lorsque l’on demande le prix permettant d’accepter une dégradation de leur environnement ou encore le prix que les personnes sont prête à payer afin de ne plus subir la dégradation. Cette dernière méthode (WTA) est considérée comme étant une méthode de variation équivalente (equivalent variation), car elle mesure la variation de revenu (prix prêt à payer ou recevoir) permettant une équivalence dans leur bien-être entre une situation sans et avec pollution.
Il est important de noter que le WTP et le WTA sont des méthodes incrémentales, c'est-à-dire cherchant à monétiser l’impact d’un changement marginal de la qualité de l’environnement pour les personnes. Ainsi, par exemple, Matthews et Lave (2000) ont cherché à monétiser la valeur que les personnes sont prêtes à payer pour éviter une dégradation de l’environnement augmentant le risque de décès par 1 pour 1000, i.e. une dégradation marginale. Dès lors, ces deux méthodes d’évaluation conditionnelle donnent une indication des ressources mobilisables, pour prévenir ou réparer des dommages par exemple, et aussi de la sensibilisation de l'opinion à la qualité de l’environnement.
L’hypothèse est que la somme des consentements à payer/accepter (souvent moyen ou médian) exprimés pour prévenir ou réparer un dommage environnemental est égale à la valeur du dommage sur l’environnement.
Il est à noter qu’il doit parfois être réalisé une régression analytique afin de déterminer la part de l’environnement dans le WTP ou WTA, d’autres critères pouvant entrer en compte comme dans le cas de la méthode du prix hédonique. Antheaume (2004) propose d’appliquer ensuite un pourcentage égal à la proportion de responsabilités de l’entreprise dans cette pollution afin d’obtenir le coût externe généré par l’entreprise.

20 juillet, 2009

Coût du dommage - Coût du voyage

Harscouët (2007) souligne que cette méthode est utilisée principalement pour les sites naturels et/ou régions. L’hypothèse sous-jacente est que les individus sont prêts à voyager pour visiter des parcs naturels par exemple. Ainsi, la valeur minimale des avantages retirés du site serait égale au coût de voyage jusqu’au parc, et de son prix d’entrée par exemple.
L’utilisation de la variation des coûts de voyage entre un endroit pollué et un autre non pollué peut aussi servir d’estimation selon cette méthode.
Cependant, en dehors des sites, l’utilisation de cette méthode se révèle très complexe.

Coût du dommage - Échelle (ou prix) hédonique

La méthode du prix hédonique est une technique d'évaluation qui calcule une valeur pour la qualité de l'environnement à partir de différences telles que dans les loyers ou les prix des biens immobiliers par exemple.
Ainsi, si nous reprenons l’exemple de nos deux maisons (voir article précédent), ici il ne s’agirait plus de deux maisons identiques sur deux terrains identiques mais, au contraire, de deux maisons à caractéristiques différentes et terrains différents, toujours l’un pollué, l’autre non. Ainsi, le travail ici consisterait principalement à déterminer quelle est l’importance de la pollution environnementale dans le choix des maisons par la population. La proportion déterminée multipliée par la différence de prix entre les deux maisons égale l’estimation du coût de la pollution. Il est à noter que la comparaison entre deux biens n’est pas nécessaire, la proportion peut aussi être appliquée directement au prix d’une bâtisse. Comme le remarque Harscouët (dans sa thèse, 2007), cette méthode est particulièrement adaptée aux secteurs immobilier et du travail.
Cependant, les statistiques et l’économétrie et donc une base de données solide sont nécessaires pour déterminer la somme que les individus sont prêts à payer pour améliorer la qualité de l’environnement ou diminuer les risques de leur travail. Dès lors, les possibilités d'utilisation de cette méthode semblent réduites à des cas où une solide base de données est disponible.

Coût du dommage - Prix de marché

Plusieurs auteurs conseillent d’évaluer les externalités par leur valeur de marché. En effet, ils remarquent qu’il est particulièrement difficile de déterminer leur valeur en l’absence d’un marché. Ainsi, ils recommandent de chercher pour des biens similaires sur les marchés les plus similaires possibles. Ainsi, un exemple d’utilisation de cette méthode serait la différence de prix entre deux maisons parfaitement identique, dans des terrains parfaitement identiques à l’exception d’une pollution. La différence de prix de vente de ces deux maisons (et de toutes les autres maisons du terrain) constituerait, selon cette méthode, l’estimation du coût du dommage liés à la pollution.
Cependant, cette méthode semble très peu utilisée, certainement dû au fait que la plupart des actifs environnementaux sont des biens publics, i.e. des biens pour lesquels les droits de propriété ne sont pas définis et donc pour lesquels il n’y généralement pas de marché.

Coût du dommage - Introduction

Le dernier type de méthode d’évaluation monétaire des externalités est le coût du dommage. En effet, ces méthodes visent à estimer de manière scientifique ou économique le coût du dommage causé à l’environnement, lui-même (IFAC, 2005). Ici, plusieurs sous-catégories de méthodes sont utilisées : méthode du prix de marché, de l’échelle hédonique, des coûts du voyage et d’évaluation conditionnelle. Chacune d'entre elle fera l'objet d'un article.

15 juillet, 2009

Coût de restauration

Selon l’IFAC (2005) il est aussi possible d’estimer les externalités par le coût non pas d’évitement du dommage, ni du dommage lui-même, mais par le coût de restauration, ou traitement du dommage causé. Ainsi, par exemple, lorsque l’Exxon Valdez à frappé un récif en 1989, les 11 millions de gallons de pétrole libérés ont généré plus de 1,25 milliards de dollars de restauration. De même, en 1988, l’US Environmental Protection Agency avait estimé le coût de remise en état de 27,000 Superfund ou « National Priority List » (NPE) sites industriels à nettoyer en priorité à environ 25 millions de dollars par site.

Burritt et Gibson (1993) ont ainsi identifié trois types de coûts de restauration : les coûts directs, indirects et de répercussions. Les coûts directs sont des coûts supportés par l’entreprise tels que les coûts de réparation du bateau, de nettoyage, les amendes et pénalités légales pour le cas de l’Exxon Valdez. Les coûts indirects et les coûts de répercussions sont des coûts externes, i.e. générés mais non supportés par l’entreprise. Ainsi, les coûts indirects sont ceux supportés par la société pour nettoyer les côtes ou par exemple le manque à gagner des pêcheurs et de l’industrie touristique. Les coûts de répercussions sont ceux subis par les autres entreprises du secteur tels que l’augmentation des primes d’assurance et la perte de réputation.
Dès lors, afin d’estimer le coût des externalités selon cette méthode, seuls les coûts indirects et de répercussions doivent être considérés. Les coûts directs sont en effet déjà subis et donc comptabilisés par l’entreprise.

La limite majeure de cette méthode est visiblement le manque et la difficulté d’obtenir des données relatives aux coûts subis par la société et les autres entreprises du secteur. L’applicabilité de cette méthode paraît donc très limitée. Ceci peut expliquer l'oubli de celle-ci par beaucoup d'auteurs.

Coût de contrôle

La méthode d’évaluation des coûts externes vis-à-vis du coût de contrôle, « control cost » ou « avoidance cost » est l’une des plus simples. En effet, le principe est que le coût des impacts environnementaux (pollution notamment) d’une entreprise serait égal au coût d’installer, d’opérer et de maintenance des technologies qui auraient permis d’éviter ces dommages à l’environnement (IFAC 2005). De plus, cette méthode raisonne en termes de coût marginal, i.e. le coût d’une unité de dommage supplémentaire est approximé par le coût qu’il aurait fallu dépenser pour l’éviter. Jasch et Stasiškienė (2005) soutiennent ainsi qu’il s’agit du coût que l’entreprise aurait réellement subi voir devra subir un jour si la règlementation l’oblige à réduire ses dommages. Ainsi, une possibilité pour obtenir ces coûts, avancée par l’IFAC (2005), est de se référer aux coûts supportés par les entreprises des pays où la règlementation est plus avancée. Le coût de contrôle s’obtiendrait aussi facilement par les études des ingénieurs ou des entreprises de consultants en environnement. Il est aussi moins controversé que d’autres méthodes d’évaluation des coûts externes selon Jasch et Stasiškienė (2005).
Cette méthode est fréquemment utilisée comme référence pour choisir entre deux investissements liés à l’environnement par exemple. Par ailleurs, le coût de contrôle est à fournir au Bureau of Census par toutes les usines des États-Unis.

Cependant, elle a plusieurs limites. En effet, le principal problème de cette méthode est qu’elle n’estime pas réellement le coût du dommage pour l’environnement mais un coût théorique pour l’entreprise. De plus, l’US EPA fait remarquer qu’il n’existe pas toujours de technologies pour éviter certaines pollutions et donc pas de coût de contrôle associé à ces polluants. De même, parfois les technologies ne sont pas assez développées pour en estimer le coût.

Méthodes d'évaluation des coûts externes

Une fois le choix de l'intégration des externalités dans le système de coûts des entreprises, il faut estimer les coûts liés à ces externalités. Or, comme le font remarquer Jasch et Stasiškienė (2005) ainsi que Bennett, James et al. (1997), la quantification des externalités n’en est qu’à son début. Ainsi, pour les organisations choisissant cette intégration, il existe aujourd’hui trois grands types de méthodes permettent d’évaluer le coût des externalités : basée sur les coûts de contrôle, sur le coût de restauration, ou sur le coût du dommage. Nous traiterons successivement des trois, de leur sous catégories (pour les méthodes basées sur le coût du dommage) puis de leur classification.

26 mai, 2009

Petite parenthèse étudiante

Bonjour à tous chers lecteurs !

Suite aux nombreux messages postés jusqu'ici sur ce blog, je tiens à vous en préciser la provenance. En effet, l'origine de ce blog est...étudiante ! Nous avons, Bénédicte et moi (Clémence) créé ce blog dans le cadre du cours Nouveaux Courants en Comptabilité de Management du MBA comptabilité de l'Université Laval. Dans ce cadre, notre évaluation finale consistait en le post de plusieurs commentaires et réponses à des questions du professeur sur les blogs des autres équipes. Ainsi, les commentaires que vous pouvez lire, à cette date, sont les évaluations de nos camarades !

Nous pensons cependant que ces réflexions sont pertinentes dans le débat qui nous intéresse, nous laisserons donc libre accès à ces commentaires.

Merci de votre compréhension,

L'équipe du blog

06 avril, 2009

L'intégration, un choix !

Roche ltée, grande entreprise d'ingénierie-conseil, basée à Québec, elle aussi tient compte des externalités sans y être incitée financièrement et sans obligation légale. Volontairement socialement responsable, l'organisation met un point d'honneur à considérer les impacts environnementaux de tous ses projets. Roche a ainsi développé une réelle expertise en terme d'évaluation environnementale. Lors de projet tel que la construction de l'échangeur sur l'autoroute Robert Bourassa, l'entreprise a ainsi amené à la construction d'un tunnel permettant le passage des petits animaux sous l'autoroute afin de limiter le dérangement de leurs habitudes par la voie routière, ou encore le maintien d'une retenue d'eau existante malgré les complications impliquées.

Nous ne rentrerons pas dans le débat anti-bétonisation, i.e. ne remettrons pas en cause l'impact environnemental de la construction elle-même d'une autoroute, même si celle-ci dénature l'environnement quel que soit le degré de prise en compte des impacts environnementaux. En effet, comme la définition du développement durable du Rapport Brundtland le suggère, il ne s'agit pas d'arrêter de vivre aujourd'hui, de se priver pour aider l'environnement, mais bien de « répondre aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Dès lors, si le besoin de la construction d'une autoroute se fait sentir...pourquoi pas ? Tant que les externalités sont minimisées. N'oublions pas que toute activité engendre un impact environnemental. Le but est seulement de le réduire au maximum, pas d'arrêter de vivre !

La responsabilisation, la recherche et l'implication de chacun dans l'environnement pourront-t-elles permettre, à elles seules, de laisser un environnement vivable pour les générations futures ?

Université Laval à la pointe de l'environnement !

Les nombreuses incitations concernant les réductions d'émission de gaz carbonique (voir précédent article) ont amené les producteurs de voitures à adopter une approche de Design for Environment. C'est ainsi que de nombreux véhicules apparaissent chaque année, battant des records de consommation d'énergie et/ou d'émission.

Dans cette optique, une équipe d'étudiants de l'Université Laval (Québec, Canada) n'a pas attendu que les incitations de l'Union Européenne arrivent au Canada. Ainsi, le Projet Ozone cherche à trouver un moyen de rendre les véhicules propres...pas juste moins pollueur, « propre ». Le zéro émission est de mise avec ces 10 gars de génie ! L'idée va même plus loin que le Design for Environment (DfE) puisque le projet initial consiste à modifier une voiture usagée pour en faire une voiture complètement électrique, complètement propre ! D'autant plus propre qu'au Québec presque 100% de l'électricité est hydroélectrique, donc vraiment propre.

Ainsi, non seulement le Projet vise à éliminer les émissions de gaz à effet de serre (GES) mais il permet aussi d'éviter la mise au rebus de vieilles voitures. Ce serait une nouvelle version de la réutilisation ! Les étudiants en sont à une phase de validation de la faisabilité du projet, par la création d'une voiture autour du moteur électrique (créé) pour ensuite réduire la taille du moteur afin de pouvoir l'insérer dans des véhicules d'occasion.

Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, les véhicules électriques ne sont pas moins performants, ainsi notre « confort », habitude de conduite ne sera pas modifiée. En fait, la seule habitude de conduite qui sera modifiée c'est que l'on n'entendra plus le vrombissement du moteur lorsque la voiture passera à nos côtés ! Pas de bruit, pas d'émission et beaucoup moins de voitures au rebus !

Par ailleurs, une autre équipe de génie de l'Université Laval se révèle environnementalement par son projet Alerion Supermileage. Ainsi, une quizaine d'étudiants ont développé une voiture qui l'an passé était capable de rouler 1347 km avec...1 seul litre d'essence ! Cette année, les nouveaux développements permettent d'espérer battre ce record mondial, à la toute prochaine compétition internationale Auto Club Speedway, à Fontana, Californie. Nous vous souhaitons bonne chance, et surtout, bonne route !

Dans un tout autre registre, l'école de comptabilité aussi se met au vert ! En effet, celle-ci bénéficie de la présence de professeurs à la pointe de la comptabilité de gestion environnementale (nous Devons citer Jean-François Henri !). Ainsi, c'est avec plaisir que nous pu développer nos connaissances dans le domaine, tout comme de nombreux futurs gestionnaires.

Plus généralement, l'Université Laval vient d'adopter une Politique de Développement Durable comportant de nombreux volets tels que l'encouragement de la recherche (via l'Envirotron, etc.), l'information mais aussi la promotion de pavillons "verts" ou même la prise en compte de l'empreinte environnementale des divers produits achetés ! Nous pouvons aussi admirer sur le campus la belle Toyota Prius modifiée (hybride) du service de sécurité !

Cas d'incitatif anti-pollution

Le transport est à l'origine de 27% des émissions de gaz carbonique, i.e. de gaz à effet de serre (GES) en Europe. De plus, d'après la Direction Générale pour l'Energie et le Transport de l'Union Européenne, « si rien n'est fait dans les années qui viennent, les coûts environnementaux (pollution de l'air, CO2) pourraient représenter 210 Mds d'euros en 2020 ».

Cependant, le coût lié à la pollution de chaque transport routier ou trajet n'est pas connu, c'est à dire le coût lié à la pollution marginale ajoutée par chaque camion, mais aussi au bruit subi par le voisinage ou encore ceux liés aux encombrements routiers n'ont pas de valeur de marché : l'air, le bruit et la « gène »/ralentissement ne se vendent nulle part.

C'est là que la comptabilité de management environnementale vient jouer un rôle : celui d'estimer au mieux la valeur de ces coûts (plusieurs méthodes existent telles que le damage costing ou le cost of control). La Direction Générale de l'Energie et des Transports de l'Union Européenne a pour objectif de se servir des études estimatives monétaires des externalités afin de légiférer sur l'intégration de ces coûts aux prix des transports.

Ainsi, un nouveau cadre, l'Eurovignette, comportant trois aspects est mis en oeuvre, les trois aspects sont :
  1. intégration des externalités par un tarif « au coût marginal social », i.e. au coût externe (social) engendré par chaque trajet,
  2. méthode de calcul simple de ce tarif,
  3. variations de tarifs selon le lieu de transport, la distance et le type de véhicule (camion) utilisé.
Le principe de « pollueur-payeur » est donc appliqué, internalisant ainsi les coûts externes pour toutes les entreprises de transport routier. L'objectif principal de cette mesure est évidemment de réduire la pollution et les coûts subis par la société du à cette pollution mais il s'agit aussi de sensibiliser à l'impact de leurs trajets sur l'environnement.

L'Eurovignette (nom donné au projet) a sans doute pour conséquence d'augmenter le prix du transport routier par un transfert de la taxe, du coût social ajouté des sociétés de transport routier à leurs clients. Dès lors, chaque client paierait le « juste » prix du service.

Cette mesure s'inscrit dans une volonté plus globale de l'Union Européenne d'internaliser les externalités liées à tous types de transports : ferroviaire (directive 2001/14/CE), aérien (avec le Système d'échange des droits d'émission), des poids lourds (avec l'Eurovignette) et maritime d'ici peu (c'est à l'étude !). Nous savons déjà que plusieurs pays ont instaurés une taxe bonus/malus à l'achat des véhicules de particuliers, les annonces des producteurs de voitures incitant leurs clients à ne pas utiliser leur véhicule ou d'en restreindre l'utilisation se multiplient...



Celui qui n'a pas encore conscience de la pollution qu'il/elle engendre en montant dans/sur un véhicule motorisé est bientôt un ermite !
Limites à la réglementation

La fraude à la règlementation de l’exportation des déchets toxiques
incarne toujours une limite au respect de ces dispositions et un risque d’audit. Ainsi, l’affaire judiciaire en cours dévoilée sur Europe 1, impliquant Arcelor-Mittal dans un trafic de déchets sidérurgiques dangereux (naphtalène à l’origine de cancer et anémie hémolytique) entre la France et la Belgique, le démontre.

C’est po
urquoi, il semble préférable d’intégrer ces externalités aux coûts afin d’optimiser la vérification, restreindre les risques de fraude et suivre l’évolution de ces coûts externes lors de procédures de vérification/d’audit. Les divergences d’opinions en termes de règlementation environnementale entre les différents pays demeurent. Elles sont non seulement le reflet de cultures différentes mais également des enjeux de leadership politiques mondiaux.

Début d'harmonisation ?

De nombreux efforts et progrès ont été réalisés depuis ces réglementations mais bien souvent les réglementations nationales des exportations de déchets n'ont pas le degré de rigueur nécessaire pour une gestion adéquate. Ainsi en ont témoigné plusieurs incidents du commerce international des déchets (naufrage pétrolier Erika, ou du pétrolier Prestige, etc…).

Le soulèvement de mouvements sociaux, le renforcement des groupes de pressions et les préoccupations politiques subséquents à ces évènements ont donné lieu à des procès au pénal et à des sanctions pécuniaires exemplaires envers ces acteurs irresponsables (jugement de Total, etc.). Ces sanctions force alors la considération des problématiques environnementales des entreprises (notamment productrices de celles productrices de déchets toxiques et d’activités nocives) et le respect de la législation.

Il est alors possible de constater un début de volonté de standardisation des quelques réglementation existantes : les pays qui disposent d’une réglementation nationale avancée essaient d’internationaliser ces standards. En effet, les normes standards élimineraient la possibilité de contourner les réglementations nationales strictes concernant le sort des déchets dangereux et permettraient aux acteurs industriels de bénéficier d’un nivellement des pratiques sur le plan mondial.




Cas de la France :
décret n°2005-829 du 20 juillet 2005

Un décret du 20 juillet 2005 en France, a obligé les producteurs d'équipements électriques ou électroniques à internaliser la plupart des coûts (jusqu'ici externes) liés à l'impact environnemental de leurs produits. Précisemment, le décret les oblige :
  1. à mettre en place du Design for Environment, i.e. à la prise en compte de l'environnement dans la phase de développement des produits; avec interdiction d'utiliser certains produits chimiques,
  2. à récupérer le matériel vendu après leur vie utile ou à payer quelqu'un pour le faire, c'est à dire à installer des lieux de collectes des équipements électriques ou électroniques où les consommateurs peuvent déposer leurs produits usagés au lieu de les jeter dans des endroits non adéquats,
  3. à entreposer tel que le tri, le traitement sélectif et la valorisation des produits soient « assurés », ce qui empêche le dépôt du matériel dans des décharges.

Dès lors, ce décret a amener les productueurs à modifier la conception de leurs produits ainsi que leur prise en charge en fin de vie. L'approche qui a été adoptée par les législateurs est cohérente avec l'analyse du cycle de vie des produits (LCA), c'est à dire qu'elle tient compte des impacts environnementaux de chaque phase de la vie du produit, « du berceau au berceau » : du développement au recyclage, récupération.

Ainsi, des aspects comme la nocivité des produits chimiques conten
us dans les équipements électriques et électroniques (pour la terre sur laquelle ces équipements sont généralement abandonnés (décharges, terrains vagues,...)) sont dorénavant pris en compte. C'est donc les externalités liées à ces produits chimiques et plus généralement au recyclage des équipements électriques et électroniques qui sont intégrées dans les coûts des producteurs.

Cas de la Chine

Le commerce de déchets dangereux soutient une partie de la croissance économique des Pays En Développement. Ce phénomène implique donc aussi pour ces gouvernements de définir les mesures encadrant ces échanges et de se prémunir contre leurs risques inhérents. Prenons le cas de la Chine (Yang, 2008). La Chine est le plus grand producteur, consommateur et exportateur d'équipements et produits électriques et électroniques (EE) dans le monde : la production intérieure et les importations illégales en provenance de l'étranger représentent un grand défi de réglementation des déchets électroniques pour son gouvernement.

Les principales mesures existantes consistent à encourager l'éco-conception (Design for Environment ou DfE) dans l'industrie EE, à définir la responsabilité des différents intervenants et à préciser les dispositions nécessaires pour la régulation de la collecte des déchets électroniques, leurs démantèlements et leurs éliminations. Le renforcement des contrôles des importations illégales est appliqué, et un projet de fonds spécial visant à soutenir le développement d'une e-collecte des déchets et d'élimination du secteur est en cours d’étude. La Chine tente de s’aligner sur les directives RoHS de l'UE (dont l'exemple de la France fait l'objet de l'article suivant) relatives aux réglementations de déchets électroniques.

Cas de l'Union Européenne

En comparaison avec les USA, la première Directive du Conseil Européen (78/319/CEE) a eu lieu en 1978. Elle portait sur les déchets toxiques et sollicitait les États mem
bres de l'Union Européenne à prendre chacun des dispositions quant à leur élimination, « sans mettre en danger la santé humaine ou l'environnement ». Cette mesure a été améliorée en 1984 par la Directive 84/631/EEC en exigeant qu’un consentement mutuel contractuel entre le pays expéditeur et le pays récepteur soit acté. Les informations divulguées sur la nature des déchets sont aussi plus détaillées que la disposition US (composition des déchets, sécurité du transport, dommages causés aux tiers, danger pour la santé ou l'environnement , etc.).
Plus récemment, en 1994, la Commission Européenne a révisé la proposition de COP-2, notamment sous la pression d’un groupe de 77 pays dont le Danemark et la Chine. Les négociations se sont terminées avec l’interdiction immédiate et totale de l’exportation des déchets issus de l'OCDE vers les pays non membres de l'OCDE. A la demande des pays scandinaves, la législation européenne s’est renforcée avec la COP-3 en ciblant plus particulièrement certaines catégories de déchets nocifs.

Cas des USA

Les USA ont commencé à gérer l’exportation de ses déchets via la mise en place de notifications. Ensuite, l’US EPA (Environmental Protection Agency), en charge de superviser ces notifications, a pour mission de communiquer ces informations aux pays receveurs et de bloquer l’envoi des déchets jusqu’à réception de leurs accords. C’est seulement suite à ce consentement que la transaction prenait forme.


Ce n’est qu’en 1994, sous la présidence de Monsieur Clinton en collaboration avec Al Gore, qu’un travail important intégrant les principes d’applications de Basel Convention a été soumis au Congrès. L’adoption de ces principes a mené à l’interdiction des exportations de tous les déchets dangereux, municipaux et la cendre des incinérateurs municipaux en dehors de l'Amérique du Nord. Ainsi, l'interdiction des exportations de déchets vers les Pays En Développement a pris effet immédiatement. Les exportations vers l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) destinés à la valorisation ou le recyclage ont été autorisées jusqu’en 1999, alors que les échanges de déchets avec le Canada et le Mexique continuent encore aujourd'hui.

Cas législatifs sur les déchets dangereux

Préliminaire :

Ces dernières décennies ont été caractérisées par l’appel à la régulation légale du commerce Nord-Sud dans les transactions de déchets dangereux pour l'environnement. La plupart des réglementations produites ont trouvé leur origine dans la « Basel Convention on the Control of Transboundary Movements of Wastes and their Disposal » de 1989. L’UE et les US ont signé cette convention, mais sa validation a divergé selon les Etats et les gouvernements. A titre d’exemple, cette convention a été ratifié par l’UE en 1993 alors que les signataires USA, Haïti et Afghanistan ne l’ont pas encore ratifié (confirmé).

De plus, différents moyens et niveaux d’application de ces conventions existent. (article US vs EU). Les principales options vis-à-vis de l’exportation de ces déchets sont retranscrites dans le tableau suivant. Ce tableau permettra de situer le degré des législations instaurées par les institutions gouvernementales qui seront développées dans les articles suivants.


Nous vous proposons de réaliser ensemble une brève comparaison des approches formulées par les USA, l’UE et les pays en développement tels que la Chine (voir l'article suivant) pour gérer l’export des produits dangereux.

Intervention des gouvernements

Comme mentionné précédemment, la responsabilisation des entreprises et l'intervention de l'Etat sont les deux solutions pour éliminer les externalités, i.e. internaliser les coûts externes. Nous traiterons ici des possiblités d'intervention de l'Etat.

Il existe deux types d'interventions différentes Etatiques (cohabitant parfois) : la réglementation et la mise en place d'incitations. De nombreux exemples de ces deux approches sont observables aujourd'hui de part le monde. Nous en citerons quelques un ici et ci-après. Le choix de l'une ou l'autre de ces approches, tout comme le choix d'un mix des deux, est souvent dépendant de la politique du pays en matière d'interventionnisme d'Etat.

De nombreuses mesures incitatives sont en place depuis maintenant plusieurs années (dépendant des pays) en ce qui concerne la prise en compte des coûts environnementaux externes. Parmi celles-ci nous pouvons compter nombres de réductions d'impôts et créations de taxes diverses. Un exemple de taxe intégrant les coûts environnementaux externes est le paiement obligatoire de l'Eurovignette pour les poids lourds, taxe kilométrique dont le prix dépend des rejets (de Gas à Effet de Serre) du véhicule. Nous parlerons plus amplement de ce projet dans l'article suivant. Comme le Conseil Européen l'a noté, l'implantation de mesures incitatives et plus généralement l'intervention de l'Etat (ou des Etats) s'est imposée comme la solution à la prise en compte des coûts environnementaux externes car la responsabilisation a portée trop peu de fruits.

Au sujet des externalités environnementales, la réglementation consiste à interdire ou rendre obligatoire les comportements des entreprises ou des individus minimisant les coûts externes, et non seulement à les inciter. C'est selon ce principe que certains pays comme l'Allemagne ont voté une loi interdisant le jet de déchets (cigarettes, papiers, gommes, cannes, etc.) sur les lieux publics tels que dans la rue. D'autres, comme Singapour ont même interdit l'import, l'export et la consommation de gommes à macher sur leur territoire afin de limiter deux externalités : la contamination de l'environnement (produits chimiques composants les gommes) et la salissure.
La multiplication récente de ce type d'interventionnisme de l'Etat, aux vues de la constation du manque de responsabilisation et d'échecs plus ou moins grand des mesures incitatives, mènent donc une internalisation forcée des coûts environnementaux externes. Cette internalisation est progressive, i.e. se réalise à mesure que les lois et règlements s'intaurent mais elle est bien présente !

Ainsi, nous pensons qu'il serait préférable pour les entreprises de considérer tous les coûts externes liés à leurs activités dès aujourd'hui, et ce, afin de tenir compte des futures implications légales de ces externalités. En effet, nous pensons qu'en l'état actuel des choses, la probabilité de vote de nouvelles règlementations forçant l'internalisation des coûts environnementaux externes est telle que ces coûts externes devraient être considérés comme des coûts internes, correspondant à ce que l'US EPA a définit comme des contingent costs, c'est à dire des coûts futurs probables.

16 mars, 2009

Plus de coûts mais aussi plus de bénéfices

Les relations entre les performances environnementales et commerciales génèrent un surcroît d’intérêt non seulement auprès des entreprises privées mais aussi des autorités réglementaires. En effet, les travaux de Porter et de van der Linde (1995) suggèrent que la politique environnementale pourrait permettre de “gagner sur les deux tableaux” : l’amélioration des performances environnementales s’accompagnant de celle des performances commerciales.

L’utilisation plus efficiente des ressources naturelles comme les combustibles fossiles (réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques associés), l’eau de traitement (protection des écosystèmes aquatiques et des réserves de poissons) ou encore le bois (sauvegarde des habitats forestiers naturels) illustre des stratégies participatives actives et concrètes réalisables à l’échelle des entreprises. Communiquer, informer des résultats obtenus par la mise en œuvre de cette stratégie nécessite l’implémentation de systèmes d’évaluation et de suivi de l’évolution des externalités produites par les entreprises, ainsi que d'un système de divulgation.

L'effort de transparence et de limitation des externalités négatives est généralement bien perçu par le public et les marchés qui seront alors plus enclins à leur accorder leur confiance : l’entreprise gagne en considération, en crédibilité et donc peut s’attendre à des retours financiers (gain de part de marché ou d’image). Une réputation non dégradée par des évènements sociaux (grèves, licenciements, etc..) ou environnementaux (pollutions atmosphérique ou des sols, ressources épuisées) est un avantage pour l’entreprise en terme de coûts et d’investissements futurs.

Toutefois, le schéma régulièrement observé en termes d’initiatives environnementales est que les organisations cherchent à améliorer les performances environnementales dans leur propre intérêt commercial (diminution du coût des intrants, réduction des responsabilités, etc.) alors que les autorités publiques imposent exclusivement les mesures qui seraient rarement prises car les avantages ne sont pas principalement tirés par l’entreprise, mais par la société. Ceci a une incidence négative sur la perception de l’environnement auprès des entreprises qui occultent et se privent alors des perspectives stratégiques environnementales et sociales qui pourraient leur être bénéfiques sur un plan économique : obtention d’un avantage concurrentiel par la maîtrise d’une technologie ou accroissement de la notoriété de la marque par exemple.

D’après Darnall et al. (2007), il semble que les entreprises efficientes environnementalement puissent ainsi, dans certains cas, bénéficier d’avantages économiques. Les pratiques « écologiques » aboutissent souvent à une utilisation réduite des ressources utilisées (intrants), d’où une nette diminution des coûts directs.

En outre, même en l’absence d’une telle diminution des coûts, l’amélioration de l’image de marque aboutie à une augmentation de la part de marché. Le lien entre les performances environnementales et financières des entreprises a été examiné dans le cadre du projet de l’OCDE (Darnall et al. 2007) mais aussi par d’autres auteurs tels que Henri et Journeault.

Ainsi, si l’internalisation des coûts externes engendrerait, dans un premier temps, une augmentation des coûts des entreprises, elle serait aussi une incitation à une meilleure gestion de ces coûts en plus d’une amélioration de l’image. Se préoccuper des externalités serait donc aussi une source de bénéfices !

Plus de coûts ?

Une croyance forte pour les entreprises en terme d'environnement est que « l'environnement coûte cher ». En effet, si des coûts externes s’ajoutent aux coûts généralement considérés, la charge des entreprises pour produire un même produit augmente. C’est pourquoi, un moyen de diminuer ces charges est d’investir dans de nouveaux procédés techniques ou managériaux ! Il y a donc ainsi un « surcoût » d'investissement, ou plutôt un juste coût à subir pour assumer pleinement sa responsabilité (voir notre article sur la RSE).


Certaines mesures ou actions encouragent l’investissement dans les activités de recherche et développement inhérentes à l’environnement ainsi que dans la production propre (relatif à la notion de chaîne de vie d’une communauté : une entreprise rejette des extrants et une autre les réutilise en tant qu’intrants). Les surcoûts d’investissement entrepris par l’entreprise ou imposés par la législation peuvent alors se transformer en force.


Par exemple, l’obligation d’assumer les coûts d’élimination, supportés par le consommateur, après la mise au rebut du bien considéré peut influer sur la décision d’achat du client. L’entreprise qui a investi dans la R&D pour proposer des produits « propres » et donc moins pénalisant pour ses clients gagnera probablement des parts de marché et donc réalisera de meilleurs résultats financiers que ses concurrents. Ce concept réfère au Design for Environment (DfE) des produits, i.e. la prise en compte, dès les phases de R&D de l'ensemble du cycle de vie du produit, dont son élimination.


L’investissement dans des technologies ou des procédés de production moins polluants confèrent de la valeur aux produits à l’instar de l’agriculture biologique. Le coût de production est souvent plus élevé de part la main d’œuvre ou une production moins intensive par exemples, mais il se compense avec la réduction d’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques. Par ailleurs, les pratiques de l’agriculture biologique aboutissent généralement à une diminution des ruissellements de polluants nuisibles pour les ressources en eau, réduisant ainsi les coûts sociaux, i.e. externes. Le consommateur de produits biologiques a le sentiment de participer à la préservation de l’environnement et de protéger sa santé en mangeant des produits « sains » et est prêt à acquitter un montant supérieur.


Des possibilités de rentabiliser les coûts d’investissement « propres » et d’obtenir des gains environnementaux et financiers existent !

La Responsabilité Sociale et Environnementale

L’actualité aborde de plus en plus fréquemment les thèmes de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), de règles déontologiques, de codes de bonne conduite et de chartes éthiques, des choix d'investissement des fonds d'épargne salariale, des placements éthiques au service du développement durable.

En effet, toutes les parties prenantes (entreprises, partenaires, investisseurs, consommateurs, etc..) semblent démontrer un intérêt croissant pour ces problématiques par leurs actions ou, au minimum, par leur prise de conscience que toute activité a un impact au niveau de trois dimensions : environnement, société et économie. Les entreprises redécouvrent donc la nécessité de mieux gérer leur responsabilité sociétale et les enjeux stratégiques actuels que celle-ci esquisse, notamment en terme de coûts. Pour pouvoir faire l’objet d’une gestion efficace et efficiente, la RSE doit pouvoir être correctement appréhendée par les gestionnaires. Comme le reflète le « Livre Vert de la Commission Européenne » la RSE est interprétée différemment selon le contexte idéologique, le niveau de l’institution (secteur/taille) et le degré d’appropriation du concept.
D’un point de vue académique, la RSE se détermine comme « la volonté de fournir un cadre d’analyse général et systématique, indépendant des objectifs propres à une organisation donnée » (Dejean F. et Gond J.P. 2004). La RSE, délimitée en ces termes, présente un caractère discrétionnaire et intègre des dimensions outrepassant les aspects purement économiques ou légaux de l’activité de l’entreprise.

D’un point de vue pratique, la définition converge mais insiste sur le caractère contingent du concept et qu’en fonction des objectifs et des « stakeholders » de l’organisation, les dimensions privilégiées varieront. Par exemple, Danone favorisera l’approche « politique humaine – dialogue avec les parties prenantes » alors que des organismes internationaux comme le World Business Council opteront pour une approche orientée « éthique – sociale - citoyenne » telle que la lutte contre le travail des enfants.

Ainsi, la RSE repose sur des croyances et des paradigmes (liés au développement durable). Pour soutenir les décisions stratégiques allant dans ce sens, la comptabilité peut se révéler un puissant système de persuasion. Toutefois, bien que les investisseurs, les acteurs privés et publics soient sensibles et réactifs aux informations environnementales et sociales divulguées, la transparence et la visibilité des externalités positives ou négatives dues aux activités d’une industrie/secteur sont encore trop peu développées pour influer dans les décisions d’investissements globales des firmes. Or, l'intégration des externalités à l'entreprise nous semble nécessaire à une réelle Responsabilité Sociale et Environnementale. En effet, clamer être « responsable » sans assumer la responsabilité de toutes ses actions en déchargeant une partie des coûts sur la société, est sensiblement contradictoire au principe de la RSE.

C’est pourquoi, identifier, isoler et intégrer les coûts internes et externes dans les coûts de revient d’un produit ou d’un service grâce à des outils comptables adaptés représentent un enjeu considérable pour les processus opérationnels et managériaux des ressources dans le futur.

Liens entre les coûts externes et les externalités

Les coûts externes engendrés par les entreprises découlent des externalités négatives de production. De même, il est envisageable de voir des bénéfices externes lorsque les incidences de la production (ou consommation) sont bénéfiques pour d'autres entreprises ou pour la société, i.e. en présence d'externalités positives.
Cependant, la prise de décisions ne tient pas souvent compte de ces coûts et bénéfices externes ce qui implique des distorsions de prix de marché puisque ceux-ci ne reflètent plus l'ensemble des coûts/bénéfices engendrés par la production/consommation. Selon Cornes, R and T. Sandler (1986), basé sur la théorie économique néoclassique, les externalités amèneront ainsi à:
1. une sur-production si l'action (consommation/production) génère des externalités négatives, les coûts étant sous-estimés.
2. une sous-production si l'action génère des externalités positives, les bénéfices étant sous-estimés

Les externalités induisent donc des défaillances du marché, ce qui peut justifier l'intervention de l'État pour compenser les agents (B) « perdants » (en cas d'externalités négatives) ou faire payer les « gagnants » (en cas d'externalités positives). L’internalisation des coûts externes permet de fixer le prix le plus pertinent, le plus juste mais malheureusement, elle est rarement réalisée faute d'incitations en sa faveur. C'est ce principe de défaillance des marchés qui amène les Etats à considérer une réglementation concernant l'intégration des coûts externes. Plusieurs exemples de ces règlementations feront l'objet de prochains articles.

Cependant, selon Mankiw (1997), plusieurs solutions, sans recours du secteur public, sont possibles afin de remedier à la défaillance de marché causée par les externalités. La première est la responsabilisation via un code moral, des actions de charité (fondations...) ou encore la signature d'un contrat avec la Société. Nous croyons beaucoup en la capacité des entreprises à s'engager, à contribuer d'elles-mêmes au bien-être de la société et de notre planète. Ainsi, le prochain article de ce blog consistera en une plus grande description du principe de Responsabilité Sociale et Environnementale (RES). La deuxième solution évoquée par Mankiw est issue du théorème de Coase, il s'agit en fait de l'autorégulation du marché par la négociation des individus. Cependant, Mankiw (1997) souligne aussi l'importance des coûts de transaction (de négociation ici) liés aux externalités (comment définir un accord de prix entre les producteurs de cigarettes et les fumeurs concernant l'externalité que représente les cancers ?). Ainsi, selon lui, la solution de la négociation n'est pas viable à cause de ces coûts de transactions trop élevés. Dès lors, seuls les solutions de la responsabilisation des entreprises ou le recours de l'Etat apparaissent comme des possiblités concrètes de pallier les externalités, i.e. d'internaliser les coûts externes. Nous allons donc étudier plus en détails ces deux solutions.

Externalités

Les coûts externes sont en réalité les coûts engendrés par ce que les économistes appellent les externalités. L’externalité désigne une situation économique dans laquelle la consommation ou production d'une personne ou entreprise ayant un effet/impact positif ou négatif sur la situation d'autres personnes ou entreprises, sans que ces derniers soient totalement compensés/aient à payer pour les dommages/bénéfices.




Selon Meade (1952), il existe plusieurs types d'externalités :
Selon l'acte économique provoquant l'externalité :
1. L'externalité de production désigne l’amélioration ou la détérioration du bien-être ressenti par l’autre « agent » (B), non indemnisé, suite à l'activité de production de l’agent A. C'est le cas par exemple des émissions de particules polluantes pour le voisinage (agent B) rejetées par la production de certains produits par des entreprises (agent A).

2. L'externalité de consommation est l’amélioration ou la détérioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisé, suite à une consommation de l’agent A. Un exemple serait l'utilisation (consommation) d'une route par plusieurs automobilistes (agents A) entraînant des nuisances sonores pour les habitations environnantes (agents B) ou encore un ralentissement du trafic nuisible pour les autres automobilistes selon l'exemple de Max Blouin.

Selon les effets économiques des externalités :
1. Les externalités positives désignent les situations où un acteur B est favorisé par l'action de A, sans qu'il ait à payer pour le bénéfice apporté. L'exemple le plus connu d'externalité positive est donné par Meade (1952); il s'agit de l'amélioration de la productivité d'un verger par l'activité de production d'un apiculteur situé à proximité. La présence des abeilles va bénéficier au producteur de pommes sans que ce dernier ait à payer pour l'avantage procuré.

2. Les externalités négatives désignent les situations où un acteur B est défavorisé par l'action de A sans qu'il en soit compensé. La plupart des externalités sont négatives et ce, qu'elles soient de production ou de consommation. La consommation d'un bien empêche généralement sa consommation par un tiers, etc.

16 février, 2009

Coûts externes

Nous avons passé en revue les deux principaux types de coûts environnementaux (coûts internes et coûts d'opportunité) dont il paraît presque évident que leur insertion dans le système de comptabilité de management est nécessaire à une information pertinente sur les bénéfices futurs de l'entreprise. En effet, ces deux types de coûts ont un impact direct sur le résultat des entreprises, l'un (coûts internes) par les coûts/charges, et l'autre (coûts d'opportunité) par le manque de bénéfice/produit.

Cependant, il existe un troisième type de coût environnemental : les coûts externes, encore appelés societal costs ou externalités. Les externalités sont des coûts environnementaux pour lesquels l'entreprise n'est pas tenue pour (légalement) responsable (US EPA), c'est à dire que ce sont des coûts subis par la société dans son ensemble et non par l'entreprise. Or, ces coûts sont liés à des impacts négatifs de l'activité de l'entreprise sur l'environnement. Pour plus de clarté, prenons quelques exemples :

– une usine rejette des gaz toxiques dans l'atmosphère : le coût direct de rejet est nul pour l'entreprise, aucune loi ne lui imposera une amende mais l'environnement est négativement touché : il y a un coût (peut être uniquement à long terme) pour l'ensemble de la société.

– les avions polluent l'air de part leur passage, tel que nos collègues le constate, l'effet sur l'environnement n'est pas actuellement pris en compte. Ainsi, les transporteurs aériens ne subissent aucun impact sur leur bénéfice, il ne s'agit pas non plus d'un manque à gagner, mais il y a bel et bien un coût pour la société lié à cette pollution aérienne. Ce coût est subi par la société dans son ensemble, c'est donc un coût externe.

De la même manière tous les effets négatifs sur l'environnement (eau, air, terre) d'activités industrielles ou commerciales qui ne font pas l'objet d'une régulation/loi sont des coûts externes.

Que des coûts ?

Outre la réponse à l’attente des groupes de pression ou la volonté de responsabilité environnementale des entreprises qui améliorent l’image de l’entreprise, la prise en compte des aspects environnementaux dans le système de comptabilité de management des organisations représente un bénéfice potentiel. En effet, si on considère trop souvent que « l’environnement coûte cher », il y a aussi des bénéfices à tirer des considérations environnementales.

Les principaux types de bénéfices environnementaux sont classés sous l’appellation des 4Rs : Reduce, Reuse, Recycle et Re-gift. Il est en effet possible de réduire les coûts par exemple en utilisant du matériel consommant moins de produits chimiques. La réutilisation et le recyclage peuvent quant à eux apporter des revenus supplémentaires à une entreprise et ainsi augmenter son bénéfice. Le gain lié aux dons (re-gift) est plus indirect car il découle de l’amélioration de l’image de l’entreprise par ce type d’action.

Coûts d'opportunité

Les entreprises consomment des ressources pour produire leurs activités et leurs produits ou services. Ces ressources ne sont pas toujours allouées de façon efficiente engendrant des coûts d’opportunité.

Les coûts d’opportunité (ou coût d'option) peuvent se définir brièvement en économie comme le coût d'une chose estimé en terme d'opportunités non-réalisées. Plus trivialement, c'est la mesure des bénéfices auxquels on renonce en affectant les ressources disponibles à un autre usage. Appliqués à la comptabilité environnementale, il s’agit des possibilités non exploitées offertes par la réutilisation, la réduction, ou le recyclage des matériaux.

La surconsommation de matière ou de ressources entraîne une perte, un manque à gagner pour l’organisation et va à l’encontre du développement durable. En effet, l’allocation non optimale des ressources nécessite une sortie de trésorerie supplémentaire non efficiente qui aurait pu être investie ailleurs pour améliorer la profitabilité ou l’image de l’entreprise.