16 septembre, 2009

Typologie des méthodes

Nous avons passé en revue les trois différents groupes de méthodes d’évaluation monétaire des externalités : le coût de contrôle, de restauration ou le coût du dommage lui-même. Cette classification est celle de l’IFAC (2005), mais nous pouvons noter plusieurs différences avec celle employée par certains auteurs.
Ainsi, un point typologique important est à noter concernant le Willingness-To-Pay. En effet, ce nom de méthode est utilisé dans deux cadres différents : 1) pour l’évaluation contingente, i.e. préférence exprimée et 2) pour les méthodes de prix de marché et de prix hédonique, i.e. préférence observée (sur un marché). Cette dernière utilisation s’explique par le fait que le consentement à payer est habituellement (en économie) révélé par les prix : plus le prix d’un bien est élevé, plus il signifie (en partie) que les personnes sont prêtes à payer cher pour. Ainsi, certains auteurs ou organismes tels Harscouët (2007), ou l'OCDE, utilisent le terme de WTP dans le cadre de méthodes d’évaluation des externalités à caractère économique, i.e. pour les méthodes de prix de marché, de prix hédonique et de coût de voyage.
Il en découle un problème plus général de classification des différentes méthodes. En effet, dès lors, Harscouët (2007), Khalifa (2002) et Bougherara (2004) font la classification suivante :

Figure : Classification des méthodes d'évaluation des coûts externes (cliquer dessus pour voir un agrandissement)

Source : Harscouët, 2007, adapté de Khalifa (2002) et Bougherara (2004)

Et, de même, Antheaume (2004) ne classe pas l’évaluation conditionnelle au sein des méthodes mesurant le coût du dommage, mais en fait aussi une catégorie à part. Jasch et Stasiškienė (2005), l’IFAC (2005), conseillent d’utiliser la méthode du coût de contrôle (ou de restauration selon l’IFAC 2005) plutôt que celle de l’évaluation contingente, car elles sont moins controversées.
En effet, les méthodes de coûts de contrôle ou de restauration sont basées sur des coûts que l’entreprise pourrait, voire devrait, réellement subir et donc moins de variables. De plus, le WTP et le WTA sont considérées très difficiles à appliquer par les entreprises du fait de la complexité des sondages à réaliser et des biais à éviter. Or, généralement, plus une méthode est complexe, moins son résultat est accepté.
Néanmoins, Harscouët (2007) et Grosclaude et Soguel (1994) considèrent que, malgré sa complexité, la méthode de l’évaluation contingente est à privilégier, car elle reflète les préférences individuelles. Par ailleurs, Grosclaude et Soguel (1994) remarquent que c’est la seule méthode possible quand il est impossible d’observer les préférences des personnes sur un marché et que l’on veut considérer le coût du dommage à l’environnement. Or, les méthodes du coût de contrôle et de restauration sont des méthodes, parce qu’elles prennent les coûts hypothétiques réels, qui échouent à mesurer le coût des impacts environnementaux. Or, comme Herborn (2005) a pu aussi le remarquer, une des volontés principales des entreprises se lançant dans l’évaluation monétaire des externalités est de refléter l’importance de l’environnement en lui-même, e.g. de la biodiversité. Ainsi, malgré l’utilisation de l’évaluation contingente, les gestionnaires et actionnaires sont gênés de réduire l’environnement à une valeur monétaire, car l’environnement représente plus que de l’argent.
Dès lors, si l’évaluation contingente, considérant cependant les valeurs que les personnes attribuent à l’environnement, est remise en question pour sa réduction à des termes monétaires, alors dans ce cas, l’utilisation des méthodes de coût de contrôle et de restauration ne paraît pas envisageable.
En effet, il existe un écart significatif entre ces dernières méthodes et les méthodes de coûts du dommage (dont l’évaluation conditionnelle est la plus connue). D’après l’étude de cas réalisée par Antheaume (2004) cet écart ferait varier les coûts externes par un facteur de 1 à 12000 en fonction de la méthode d’évaluation choisie et des impacts pris en compte. De plus, cet écart peut être considéré comme une subvention de la société aux entreprises, car il représente le montant de dommage que la société permet aux entreprises de créer sans qu’ils aient à les supporter un jour.
Quelle que soit la méthode choisie, n’oublions pas que l’évaluation des coûts externes est donc démontrée faisable, à plus ou moins grande échelle.

28 juillet, 2009

Coût du dommage - Évaluaton contingente (3)

Toutes les approches de la méthode d’évaluation contingente ci-dessous mentionnées cherchent à répondre à un des principaux problèmes de la méthode d’évaluation contingente, i.e. arriver à faire exprimer leur préférence par les personnes. En effet, l’habileté même des personnes à donner des réponses précises, pertinentes et honnêtes à ce type de sondage a été questionnée, et, malgré plusieurs études indiquant un certain degré de validité des réponses, tout sondage induit des biais comportementaux.
Le principal biais, selon Zhongmin et al. (2006) est le biais du « yea », c'est-à-dire la tendance des répondants à dire oui quand on leur pose une question. Ce biais serait particulièrement présent lorsque les répondants n’ont pas l’habitude de se voir demander leur avis (sur les politiques, etc.), et/ou que le gouvernement donne généralement le standard socialement acceptable (tous domaines confondus). Ainsi, par exemple, dans son étude de cas cherchant à obtenir le WTP pour restaurer le site d’Ejina en Chine,Zhongmin et al. (2006) ont dû utiliser plusieurs méthodes afin d’essayer de révéler les vrais WTP des personnes. À la suite de cette étude, les auteurs concluent que l’approche de la carte de paiement est celle limitant un maximum le biais de « yea ». Grosclaude et Soguel (1994) considèrent quant à eux que le principal biais, de non-réponse ou de réponse faussée, est lié au manque d’informations possédées par le répondant pour lui permettre de faire un choix cohérent par lui-même. Ainsi, ils préconisent, comme Zhongmin et al. (2006), de consacrer une partie du questionnaire à la mise en contexte et explication de la situation environnementale et de ses implications. Finalement, les personnes seraient généralement parfaitement capables de répondre à ce type de sondage (Grosclaude et Soguel 1994) même alors qu’il s’agit d’un marché hypothétique pour des modifications incrémentales de biens publics tels que liés à l’environnement. Cependant, certaines personnes se montrent indifférentes envers les sondages d’évaluation conditionnelle et elles sont de plus en plus nombreuses lorsque les effets de l’environnement semblent éloignés et globaux d’après le principe de Not In My Back Yard. Ainsi, Grosclaude et Soguel (1994) recommandent de ne prendre en compte que les réponses des personnes réceptives (y compris si leur WTP/A est nulle) et selon un échantillon représentatif de la population locale.
Ces problèmes sont typiques de ce type de méthodes, reposants sur un sondage et donc dépendants du comportement des personnes interrogées voire des personnes interrogeant. Ainsi, certains auteurs en viennent à penser que la mesure issue de l’évaluation conditionnelle ne sera acceptée que si elle est proche des valeurs attendues. Or, il semblerait que des écarts importants peuvent être obtenus entre deux sondages de WTP. En effet, l’US EPA (1997) a utilisé 5 sondages d’évaluation conditionnelle pour mesurer la valeur attachée au risque de mourir prématurément à cause de la pollution aérienne. Les résultats ont montré une médiane de 4,8 millions de dollars, mais avec un écart type de 3,2 millions, soit de près de 67%.

Coût du dommage - Évaluaton contingente (2)

Plusieurs façons de mettre en application ces méthodes existent, même si toutes passent par un sondage. En effet, le principe de l’évaluation contingente est de confronter les individus avec un marché hypothétique (contingent) sur lequel des biens environnementaux (e.g. l’apparence de bâtiments historiques) sont achetés et vendus. Les personnes interviewées se voient demander d’indiquer leur préférence pour le bien échangé selon le principe d’enchères. Ainsi, il existe trois moyens de demander leur préférence :
Proposer un montant initial, puis augmenter ou diminuer la valeur proposée en fonction de la réponse (processus itératif) jusqu’à obtenir une acceptation (et/ou un refus) ou en se limitant à deux questions. Cette dernière approche, issue de Herriges et Shogren (1996), est appelée double choix dichotomique limité (double bounded dichotomous choice). Une approche trichotomique existe aussi, ajoutant la possibilité de dire s’ils auraient accepté à un prix plus fort ou faible à l’approche du double choix
Laisser la personne choisir sa propre valeur de départ puis lui proposer des valeurs inférieures jusqu’à ce qu’il refuse la valeur proposée. Cependant, d’après Zhongmin et al. (2006) cette première question ouverte amène souvent une absence de réponse. Ce phénomène s’explique taire de la qualité de leur environnement. D’où un biais de non-réponse des sondages de type WTP de 20 à 30%, à comparer aux 5 à 7% des sondages classiques.
Considérer le répondant comme un price taker, i.e. ne lui faire qu’une seule offre de prix qu’il accepte si son WTP (ou WTA) est plus faible ou égal, et refuse s’il est plus élevé. Cette approche, développée par Bishop et Heberlein (1979) laisse donc un choix dichotomique. Zhongmin et al. (2006) notent que le prix proposé peut varier selon les répondants.
Une quatrième façon d’amener les personnes à révéler leurs préférences a été développée par Mitchell et Carson (1989) et porte le nom de « carte de paiement ». Celle-ci consiste en la proposition initiale de multiples intervalles de valeurs incluant zéro, l’objectif étant que le répondant puisse entourer la valeur lui correspondant sans être influencé par une valeur de référence particulière.

Coût du dommage - Évaluaton contingente (1)

La méthode de l'évaluation conditionnelle ou contingente (Contingent Valuation Method, (CVM)), popularisée depuis le début des années 1980s, est une technique d'évaluation des externalités, où l'on demande directement à la population concernée, quelle somme ils sont prêts à payer/accepter pour une amélioration ou une dégradation de la qualité de l'environnement. Elle se fonde sur la méthode de la préférence déclarée, exprimée par les personnes concernées (Harscouët, 2007). Ainsi, il existe deux principales méthodes, le Willingness-To-Pay (WTP) lorsque l’on demande le prix que les personnes sont prêtes à payer, et le Willingness-To-Avoid (WTA) lorsque l’on demande le prix permettant d’accepter une dégradation de leur environnement ou encore le prix que les personnes sont prête à payer afin de ne plus subir la dégradation. Cette dernière méthode (WTA) est considérée comme étant une méthode de variation équivalente (equivalent variation), car elle mesure la variation de revenu (prix prêt à payer ou recevoir) permettant une équivalence dans leur bien-être entre une situation sans et avec pollution.
Il est important de noter que le WTP et le WTA sont des méthodes incrémentales, c'est-à-dire cherchant à monétiser l’impact d’un changement marginal de la qualité de l’environnement pour les personnes. Ainsi, par exemple, Matthews et Lave (2000) ont cherché à monétiser la valeur que les personnes sont prêtes à payer pour éviter une dégradation de l’environnement augmentant le risque de décès par 1 pour 1000, i.e. une dégradation marginale. Dès lors, ces deux méthodes d’évaluation conditionnelle donnent une indication des ressources mobilisables, pour prévenir ou réparer des dommages par exemple, et aussi de la sensibilisation de l'opinion à la qualité de l’environnement.
L’hypothèse est que la somme des consentements à payer/accepter (souvent moyen ou médian) exprimés pour prévenir ou réparer un dommage environnemental est égale à la valeur du dommage sur l’environnement.
Il est à noter qu’il doit parfois être réalisé une régression analytique afin de déterminer la part de l’environnement dans le WTP ou WTA, d’autres critères pouvant entrer en compte comme dans le cas de la méthode du prix hédonique. Antheaume (2004) propose d’appliquer ensuite un pourcentage égal à la proportion de responsabilités de l’entreprise dans cette pollution afin d’obtenir le coût externe généré par l’entreprise.

20 juillet, 2009

Coût du dommage - Coût du voyage

Harscouët (2007) souligne que cette méthode est utilisée principalement pour les sites naturels et/ou régions. L’hypothèse sous-jacente est que les individus sont prêts à voyager pour visiter des parcs naturels par exemple. Ainsi, la valeur minimale des avantages retirés du site serait égale au coût de voyage jusqu’au parc, et de son prix d’entrée par exemple.
L’utilisation de la variation des coûts de voyage entre un endroit pollué et un autre non pollué peut aussi servir d’estimation selon cette méthode.
Cependant, en dehors des sites, l’utilisation de cette méthode se révèle très complexe.