16 mars, 2009

Plus de coûts mais aussi plus de bénéfices

Les relations entre les performances environnementales et commerciales génèrent un surcroît d’intérêt non seulement auprès des entreprises privées mais aussi des autorités réglementaires. En effet, les travaux de Porter et de van der Linde (1995) suggèrent que la politique environnementale pourrait permettre de “gagner sur les deux tableaux” : l’amélioration des performances environnementales s’accompagnant de celle des performances commerciales.

L’utilisation plus efficiente des ressources naturelles comme les combustibles fossiles (réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques associés), l’eau de traitement (protection des écosystèmes aquatiques et des réserves de poissons) ou encore le bois (sauvegarde des habitats forestiers naturels) illustre des stratégies participatives actives et concrètes réalisables à l’échelle des entreprises. Communiquer, informer des résultats obtenus par la mise en œuvre de cette stratégie nécessite l’implémentation de systèmes d’évaluation et de suivi de l’évolution des externalités produites par les entreprises, ainsi que d'un système de divulgation.

L'effort de transparence et de limitation des externalités négatives est généralement bien perçu par le public et les marchés qui seront alors plus enclins à leur accorder leur confiance : l’entreprise gagne en considération, en crédibilité et donc peut s’attendre à des retours financiers (gain de part de marché ou d’image). Une réputation non dégradée par des évènements sociaux (grèves, licenciements, etc..) ou environnementaux (pollutions atmosphérique ou des sols, ressources épuisées) est un avantage pour l’entreprise en terme de coûts et d’investissements futurs.

Toutefois, le schéma régulièrement observé en termes d’initiatives environnementales est que les organisations cherchent à améliorer les performances environnementales dans leur propre intérêt commercial (diminution du coût des intrants, réduction des responsabilités, etc.) alors que les autorités publiques imposent exclusivement les mesures qui seraient rarement prises car les avantages ne sont pas principalement tirés par l’entreprise, mais par la société. Ceci a une incidence négative sur la perception de l’environnement auprès des entreprises qui occultent et se privent alors des perspectives stratégiques environnementales et sociales qui pourraient leur être bénéfiques sur un plan économique : obtention d’un avantage concurrentiel par la maîtrise d’une technologie ou accroissement de la notoriété de la marque par exemple.

D’après Darnall et al. (2007), il semble que les entreprises efficientes environnementalement puissent ainsi, dans certains cas, bénéficier d’avantages économiques. Les pratiques « écologiques » aboutissent souvent à une utilisation réduite des ressources utilisées (intrants), d’où une nette diminution des coûts directs.

En outre, même en l’absence d’une telle diminution des coûts, l’amélioration de l’image de marque aboutie à une augmentation de la part de marché. Le lien entre les performances environnementales et financières des entreprises a été examiné dans le cadre du projet de l’OCDE (Darnall et al. 2007) mais aussi par d’autres auteurs tels que Henri et Journeault.

Ainsi, si l’internalisation des coûts externes engendrerait, dans un premier temps, une augmentation des coûts des entreprises, elle serait aussi une incitation à une meilleure gestion de ces coûts en plus d’une amélioration de l’image. Se préoccuper des externalités serait donc aussi une source de bénéfices !

Plus de coûts ?

Une croyance forte pour les entreprises en terme d'environnement est que « l'environnement coûte cher ». En effet, si des coûts externes s’ajoutent aux coûts généralement considérés, la charge des entreprises pour produire un même produit augmente. C’est pourquoi, un moyen de diminuer ces charges est d’investir dans de nouveaux procédés techniques ou managériaux ! Il y a donc ainsi un « surcoût » d'investissement, ou plutôt un juste coût à subir pour assumer pleinement sa responsabilité (voir notre article sur la RSE).


Certaines mesures ou actions encouragent l’investissement dans les activités de recherche et développement inhérentes à l’environnement ainsi que dans la production propre (relatif à la notion de chaîne de vie d’une communauté : une entreprise rejette des extrants et une autre les réutilise en tant qu’intrants). Les surcoûts d’investissement entrepris par l’entreprise ou imposés par la législation peuvent alors se transformer en force.


Par exemple, l’obligation d’assumer les coûts d’élimination, supportés par le consommateur, après la mise au rebut du bien considéré peut influer sur la décision d’achat du client. L’entreprise qui a investi dans la R&D pour proposer des produits « propres » et donc moins pénalisant pour ses clients gagnera probablement des parts de marché et donc réalisera de meilleurs résultats financiers que ses concurrents. Ce concept réfère au Design for Environment (DfE) des produits, i.e. la prise en compte, dès les phases de R&D de l'ensemble du cycle de vie du produit, dont son élimination.


L’investissement dans des technologies ou des procédés de production moins polluants confèrent de la valeur aux produits à l’instar de l’agriculture biologique. Le coût de production est souvent plus élevé de part la main d’œuvre ou une production moins intensive par exemples, mais il se compense avec la réduction d’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques. Par ailleurs, les pratiques de l’agriculture biologique aboutissent généralement à une diminution des ruissellements de polluants nuisibles pour les ressources en eau, réduisant ainsi les coûts sociaux, i.e. externes. Le consommateur de produits biologiques a le sentiment de participer à la préservation de l’environnement et de protéger sa santé en mangeant des produits « sains » et est prêt à acquitter un montant supérieur.


Des possibilités de rentabiliser les coûts d’investissement « propres » et d’obtenir des gains environnementaux et financiers existent !

La Responsabilité Sociale et Environnementale

L’actualité aborde de plus en plus fréquemment les thèmes de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), de règles déontologiques, de codes de bonne conduite et de chartes éthiques, des choix d'investissement des fonds d'épargne salariale, des placements éthiques au service du développement durable.

En effet, toutes les parties prenantes (entreprises, partenaires, investisseurs, consommateurs, etc..) semblent démontrer un intérêt croissant pour ces problématiques par leurs actions ou, au minimum, par leur prise de conscience que toute activité a un impact au niveau de trois dimensions : environnement, société et économie. Les entreprises redécouvrent donc la nécessité de mieux gérer leur responsabilité sociétale et les enjeux stratégiques actuels que celle-ci esquisse, notamment en terme de coûts. Pour pouvoir faire l’objet d’une gestion efficace et efficiente, la RSE doit pouvoir être correctement appréhendée par les gestionnaires. Comme le reflète le « Livre Vert de la Commission Européenne » la RSE est interprétée différemment selon le contexte idéologique, le niveau de l’institution (secteur/taille) et le degré d’appropriation du concept.
D’un point de vue académique, la RSE se détermine comme « la volonté de fournir un cadre d’analyse général et systématique, indépendant des objectifs propres à une organisation donnée » (Dejean F. et Gond J.P. 2004). La RSE, délimitée en ces termes, présente un caractère discrétionnaire et intègre des dimensions outrepassant les aspects purement économiques ou légaux de l’activité de l’entreprise.

D’un point de vue pratique, la définition converge mais insiste sur le caractère contingent du concept et qu’en fonction des objectifs et des « stakeholders » de l’organisation, les dimensions privilégiées varieront. Par exemple, Danone favorisera l’approche « politique humaine – dialogue avec les parties prenantes » alors que des organismes internationaux comme le World Business Council opteront pour une approche orientée « éthique – sociale - citoyenne » telle que la lutte contre le travail des enfants.

Ainsi, la RSE repose sur des croyances et des paradigmes (liés au développement durable). Pour soutenir les décisions stratégiques allant dans ce sens, la comptabilité peut se révéler un puissant système de persuasion. Toutefois, bien que les investisseurs, les acteurs privés et publics soient sensibles et réactifs aux informations environnementales et sociales divulguées, la transparence et la visibilité des externalités positives ou négatives dues aux activités d’une industrie/secteur sont encore trop peu développées pour influer dans les décisions d’investissements globales des firmes. Or, l'intégration des externalités à l'entreprise nous semble nécessaire à une réelle Responsabilité Sociale et Environnementale. En effet, clamer être « responsable » sans assumer la responsabilité de toutes ses actions en déchargeant une partie des coûts sur la société, est sensiblement contradictoire au principe de la RSE.

C’est pourquoi, identifier, isoler et intégrer les coûts internes et externes dans les coûts de revient d’un produit ou d’un service grâce à des outils comptables adaptés représentent un enjeu considérable pour les processus opérationnels et managériaux des ressources dans le futur.

Liens entre les coûts externes et les externalités

Les coûts externes engendrés par les entreprises découlent des externalités négatives de production. De même, il est envisageable de voir des bénéfices externes lorsque les incidences de la production (ou consommation) sont bénéfiques pour d'autres entreprises ou pour la société, i.e. en présence d'externalités positives.
Cependant, la prise de décisions ne tient pas souvent compte de ces coûts et bénéfices externes ce qui implique des distorsions de prix de marché puisque ceux-ci ne reflètent plus l'ensemble des coûts/bénéfices engendrés par la production/consommation. Selon Cornes, R and T. Sandler (1986), basé sur la théorie économique néoclassique, les externalités amèneront ainsi à:
1. une sur-production si l'action (consommation/production) génère des externalités négatives, les coûts étant sous-estimés.
2. une sous-production si l'action génère des externalités positives, les bénéfices étant sous-estimés

Les externalités induisent donc des défaillances du marché, ce qui peut justifier l'intervention de l'État pour compenser les agents (B) « perdants » (en cas d'externalités négatives) ou faire payer les « gagnants » (en cas d'externalités positives). L’internalisation des coûts externes permet de fixer le prix le plus pertinent, le plus juste mais malheureusement, elle est rarement réalisée faute d'incitations en sa faveur. C'est ce principe de défaillance des marchés qui amène les Etats à considérer une réglementation concernant l'intégration des coûts externes. Plusieurs exemples de ces règlementations feront l'objet de prochains articles.

Cependant, selon Mankiw (1997), plusieurs solutions, sans recours du secteur public, sont possibles afin de remedier à la défaillance de marché causée par les externalités. La première est la responsabilisation via un code moral, des actions de charité (fondations...) ou encore la signature d'un contrat avec la Société. Nous croyons beaucoup en la capacité des entreprises à s'engager, à contribuer d'elles-mêmes au bien-être de la société et de notre planète. Ainsi, le prochain article de ce blog consistera en une plus grande description du principe de Responsabilité Sociale et Environnementale (RES). La deuxième solution évoquée par Mankiw est issue du théorème de Coase, il s'agit en fait de l'autorégulation du marché par la négociation des individus. Cependant, Mankiw (1997) souligne aussi l'importance des coûts de transaction (de négociation ici) liés aux externalités (comment définir un accord de prix entre les producteurs de cigarettes et les fumeurs concernant l'externalité que représente les cancers ?). Ainsi, selon lui, la solution de la négociation n'est pas viable à cause de ces coûts de transactions trop élevés. Dès lors, seuls les solutions de la responsabilisation des entreprises ou le recours de l'Etat apparaissent comme des possiblités concrètes de pallier les externalités, i.e. d'internaliser les coûts externes. Nous allons donc étudier plus en détails ces deux solutions.

Externalités

Les coûts externes sont en réalité les coûts engendrés par ce que les économistes appellent les externalités. L’externalité désigne une situation économique dans laquelle la consommation ou production d'une personne ou entreprise ayant un effet/impact positif ou négatif sur la situation d'autres personnes ou entreprises, sans que ces derniers soient totalement compensés/aient à payer pour les dommages/bénéfices.




Selon Meade (1952), il existe plusieurs types d'externalités :
Selon l'acte économique provoquant l'externalité :
1. L'externalité de production désigne l’amélioration ou la détérioration du bien-être ressenti par l’autre « agent » (B), non indemnisé, suite à l'activité de production de l’agent A. C'est le cas par exemple des émissions de particules polluantes pour le voisinage (agent B) rejetées par la production de certains produits par des entreprises (agent A).

2. L'externalité de consommation est l’amélioration ou la détérioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisé, suite à une consommation de l’agent A. Un exemple serait l'utilisation (consommation) d'une route par plusieurs automobilistes (agents A) entraînant des nuisances sonores pour les habitations environnantes (agents B) ou encore un ralentissement du trafic nuisible pour les autres automobilistes selon l'exemple de Max Blouin.

Selon les effets économiques des externalités :
1. Les externalités positives désignent les situations où un acteur B est favorisé par l'action de A, sans qu'il ait à payer pour le bénéfice apporté. L'exemple le plus connu d'externalité positive est donné par Meade (1952); il s'agit de l'amélioration de la productivité d'un verger par l'activité de production d'un apiculteur situé à proximité. La présence des abeilles va bénéficier au producteur de pommes sans que ce dernier ait à payer pour l'avantage procuré.

2. Les externalités négatives désignent les situations où un acteur B est défavorisé par l'action de A sans qu'il en soit compensé. La plupart des externalités sont négatives et ce, qu'elles soient de production ou de consommation. La consommation d'un bien empêche généralement sa consommation par un tiers, etc.